Washington Dead Cats
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST



Mat, peux-tu évoquer l'origine des Washington Dead Cats ?
J'ai monté le groupe alors que je devais avoir 17 ans, c'était fin 1984. Nous avons arrêté en 1991-92 avant de reprendre il y a environ 5 ans.

Lorsque nous avons reformé le groupe, nous ne faisions que 2 ou 3 concerts par an, il s'agissait surtout de concerts de soutien. A une période nous avons enchaîné quelque chose comme 5 concerts d'affilé. Ceci nous a redonné l'envie de refaire des morceaux ensemble.
Nous avons donc sorti il y a deux ans un album intitulé " Treat me Bad " qui a été suivi par 120 dates de tournée. Enfin notre dernier album " El Diablo is back " est sorti fin mars et a donné naissance à une tournée d'environ 50 dates en France. Nous avons en prévision 5 dates au Portugal et en Espagne, des concerts en Allemagne, en Hongrie etc…

C'est une vieille et grande histoire…
De surcroît, tous les membres du groupe ont toujours eu d'autres activités en parallèle.

Durant toutes ces années le line-up a-t-il beaucoup évolué ?
D'origine il y a encore moi, ce qui est déjà pas mal (rires) !
Le premier bassiste est devenu notre ingénieur du son. Le premier saxophoniste, Masto qui nous a quittés après le premier album pour les Béruriers Noirs, fait toutes nos photos pour les pochettes de nos albums.

Le saxophoniste qui l'a remplacé est passé à la basse, c'est Daostein. Yo est le batteur de la formation arrêtée en 1991-92. Ben, le trompettiste était sur la dernière formation tout en jouant aussi avec Mister Gang. Igor est arrivé il y a 5 ou 6 ans, c'était un pote d'autres membres du groupe. GG, le saxophoniste, est arrivé il y a 5-6 ans aussi et jouait dans le même groupe Punk que Yo. De mon côté j'ai fait un groupe de Blues Hip-Hop qui s'appelait Juju Messengers avec lequel j'ai réalisé deux albums et me suis produit dans de nombreux concerts.

Avec Greg, le guitariste, nous avons monté un label et j'ai réalisé, en tant que producteur, les deux albums des SNAILS dont le guitariste-chanteur est devenu notre guitariste, c'est Fred Beltran.
Tout cela est très compliqué mais tout se mélange chez nous.

Peut-on dire qu'il existe chez vous une véritable " Washington Dead Cats Attitude " ?
Oui, même si à la base, en termes d'influences musicales, c'est Fred et moi-même qui forgeons la couleur du groupe.

Nous avons des racines Jazz, Blues, Rockabilly et Punk-Rock. Le batteur et le bassiste sont aussi des amateurs de Punk-Rock mais ils sont moins chiants que nous sur la précision et les références. Fred et moi sommes un peu des " bibliothécaires du Rock ".

Ce qui nous a unit c'est que nous faisons une musique énergique ensemble, que cela se passe bien, que nous rigolons et que ça joue, c'est cela notre plaisir. A 17 ans tu fais un groupe de Hardcore-Punk ou de Psyco-Billy Machin, mais au bout d'un moment tu deviens un groupe de Rock'n'Roll au sens large.

Nos influences sont larges, ce qui est plaisant pour des musiciens. Notre énergie nous regroupe aussi.

A vos débuts, en 1984, vous deviez vraiment vous démarquer de la scène Rock française. Aviez-vous, à ce moment-là, des influences de groupes étrangers qui déjà mêlaient les genres ?
Oui, nous sommes typiquement le groupe de rock français qui n'a, parmi ses influences, aucun groupe français. J'ai toujours trouvé Téléphone à chier, Jean-Louis Aubert chante faux depuis 20 ans et même si on me dit que Louis Bertignac joue bien de la guitare, il y en a d'autres que lui. BB King joue bien de la guitare aussi, tu vois ?

Nous sommes, en fait, influencés par toute la scène Garage des sixties aux USA comme les Seeds, The 13th Floor Elevator etc…
La scène Psyco-Billy Garage anglaise nous a aussi marqués au même titre que les Cramps et que toute la scène Punk.

J'ai été élevé avec le Rockabilly (la trilogie Buddy Holly, Eddie Cochran, Gene Vincent et au-dessus de tous ceux-ci Elvis. Mais aussi Jack Scott, Johnny Burnett etc…) ainsi que le Blues et le Jazz (Billie Holiday, Charley Patton…).
Puis à 11 ans j'ai découvert les Stones comme tout le monde puis à 13 ans les Punks car j'en avais marre des gens en costard (rires). Dans le Punk nous restons, peut-être à cause de notre âge, très ancrés dans l'année 1977. Nous sommes plutôt Clash et Ramones que Sex pistols. Dans le mouvement Ska il y avait aussi de bonnes choses…

Nous sommes le reflet de notre adolescence, nous écoutions aussi bien les premiers albums de Joe Jackson, que du Reggae parce que les Clash en faisaient, que The Beat, The Specials et même le premier album de Police.
Tout cela mélangé au Rockabilly et au Blues donne un groupe comme les Cramps, du " Punkabilly " avec un côté un peu sombre.

Nous étions donc atypiques car nous étions le seul groupe de Rock français qui ne chantait pas en français et qui avait un look scénique un peu spécial, avec des longues bananes blondes et brunes de 2 mètres de haut. Sur scène nous balancions des poireaux, des salades, de la farine et nous foutions le bordel partout. C'était un vrai merdier… c'était marrant…

En nous retrouvant sur le même label (Bondage, Nda) que les Bérurriers Noirs et que les Ludwig Van 88, nous avons remarqué que nous avions en commun une éthique sociale et politique.

Ceci est indissociable, on ne peut pas faire de la musique et être apolitique. On ne peut pas écouter du Blues comme BB King et être raciste.

La musique est le reflet, par certains côtés, de la société. C'est pour cela que je ne suis pas un grand fan des groupes de Revival. Les mecs qui s'habillent exactement comme Eddie Cochran, qui jouent sur le même matos et exactement comme lui n'apportent rien, ça devient du " baloche ".

Je pense que si tu veux faire du Rock'n'Roll, il faut que ça reste en accord avec son temps et surtout pas que ça devienne un cliché d'une autre époque.

Tu n'as pas peur que cet aspect de votre musique soit masqué par votre côté plus festif et délirant ?
C'est pour cela que nous sommes de moins en moins festifs !
D'ailleurs je n'aime pas le Rock Festif même si venant de moi cela peut paraître étonnant…

Déjà nous faisons du Rock'n'Roll qui est une musique de danse, j'aime voir les filles danser avec les mecs, je trouve cela classe, c'est mon côté fifties. Quand nous avons commencé nous ne nous sommes pas dit " faisons du Rock Festif ! ".

De plus cette mouvance est née il y a 8 ans au moment où nous avions déjà arrêté. Les groupes qui pratiquent ce style aujourd'hui sont plus influencés par les Ludwig Von 88 que par nous. Ces derniers le faisaient dans un esprit plus Punk en foutant le bordel, pas en montant sur scène en chantant " Tarladiladada ".

Les Washington Dead Cats étaient interdits de concerts dans plusieurs villes telles que Nice, Bordeaux, Besançon etc…
Notre démarche était plus provocatrice que festive…

Sur une précédente tournée nous étions tous déguisés en monstres, en hommage aux vieilles séries B américaines, mais au bout d'un moment nous en avons eu marre et nous ne voulions pas toujours faire la même chose, nous ne sommes pas Kiss (rires).

De plus, auprès de certains, cela discréditait notre musique. A partir du moment où nous n'étions plus déguisés nous obtenions les mêmes réactions. Les gens viennent nous voir car nous déconnons avec eux et parce que nous faisons les cons. La musique est un truc de partage !

Aujourd'hui de nombreux groupes, notamment aux USA, se réclament des mêmes origines que vous. Connais-tu bien toute cette scène et as-tu des contacts avec certains d'entre eux ?
Oui nous écoutons beaucoup de groupes américains même si nous ne faisons pas forcément la même musique dans l'état d'esprit.

Le groupe dont je me sentirais le plus proche est John Spencer Blues Explosion dans le sens où leur démarche est anachronique par rapport au Rockabilly et au Blues. Il y a aussi tout un univers graphique et une démarche artistique.

Ceci doit être lié pour moi. Voir un groupe sans forte personnalité ne m'intéresse pas. C'est pour cela que j'aime Lux Interior, Joe Strummer, Brian Setzer ou dans un autre registre Franck Sinatra et Billie Holiday.

Dans le Rock Festif tous les mecs sont super sympas et déguisés mais on a envie de leur demander " Ouais mais… t'es qui ? ". On se demande quelles sont leurs racines… moi je préfère Johnny Cash !

Parlons justement de cet aspect graphique, si important à tes yeux, qui définit bien ce que sont les Washington Dead Cats. De quels univers vous inspirez-vous, aussi bien au niveau des Comics qu'au niveau du cinéma ?
J'ai fait les Beaux Arts, donc j'ai une conception du graphisme qui est différente. J'adore, par exemple, toutes les pochettes Blue Note qui sont très stylisées.

Au même titre, j'aime toutes les pochettes fifties d'Elvis. Dans le Punk-Rock il y a aussi une charte graphique et une manière de voir les choses. Chez beaucoup de groupes de rock américains actuels on retrouve ce mélange de graphisme Punk mélangé aux influences des fifties très Rockabilly.


Au départ nous avions le choix entre poser, avec nos looks, devant un mur de briques comme tous les groupes ou se creuser la tête.

Nous avons donc décidé de nous créer un univers que nous avons trouvé à travers une ambiance squat et psychédélique. Il y a aussi, chez nous, de nombreux clins d'œil aux Séries B et aux Comics où l'on retrouve toujours les 5 monstres qui ont des personnalités différentes. Nous nous inspirons donc des Comics, des films de Série B des fifties, des mauvais films de Science-Fiction et des films Rock'n'Roll.

Tu mélanges tout cela avec ce que nous étions, un groupe de punks et ça donne cette chose un peu anachronique. Poser comme les Stray Cats ne sert à rien, personne le fera mieux qu'eux.

C'est comme reprendre Be Bop a Lula, personne ne le fera mieux que Gene Vincent. Même quand Gene Vincent l'a refait en 1974, avec Kim Fowley, c'était de la merde…
Il faut donc trouver autre chose.

Peux-tu revenir sur les personnages récurrents que l'on retrouve dans les disques du groupe ?
C'est à force de regarder des Séries B débiles comme " Attack of the Killer Tomatoes " où des tomates tombent du ciel et tuent des mecs. Comment faire un film avec des idées aussi connes ?

Donc, j'ai fini par inventer des hommes-algues qui sortaient de la mer et qui dévoraient les baigneurs. Je voulais plutôt créer des monstres qui nous appartiennent plutôt que ceux qu'on a déjà vus au cinéma.

Puis les références ont évolué puisque c'est les textes et le graphisme qui définissent l'ambiance globale chez nous. Nous voulions que notre dernier album soit plus Rock'n'Roll et que les arrangements soient très soignés pour montrer que nous ne sommes pas des brêles (rires). Les textes tournaient autour de thèmes un peu récurrents comme les Pin Up, l'enfer etc....Je suis aussi assez mystique donc j'aime parler du bien, du mal et du Vaudou.

Le personnage " El Diablo " est dans notre panel de personnages car dans les fifties il y avait Superman aux Etats-Unis alors que les mexicains avaient des combats de lutteurs masqués. Il y avait toute une série de films autour de Santo qui était un lutteur mexicain masqué en blanc. Une sorte de Superman local…

A l'époque ils essayaient même de rouler les mecs en mettant la photo de Santo avec écrit dessus Superman. Tu croyais voir Superman et une fois dans le cinéma tu tombais sur un pauvre catcheur qui conduit une voiture (rires). Les aventures y sont palpitantes, tu vois Santo qui met un pain à un mec puis qui vole un flingue ridicule pour en tuer un autre…

Bref tu te fais chier durant tout le film, faut pas rêver…
Cependant, quelque part c'est de l'art d'arriver à faire ça, je trouve ça passionnant comme toutes les Séries B.

J'adore Ed Wood, que je connaissais avant le film de Tim Burton…
Je crois que nous avons plus de références cinématographiques et graphiques que musicales.
Quand on nous demande nos influences, nous répondons souvent, en premier, Pulp Fiction, Tim Burton et Frankenstein Junior.

A partir de ces films je créé des personnages puis à partir de ces personnages, je créé des musiques…

Aujourd'hui, vu la scène actuelle, vous devez encore plus passer comme des marginaux par rapport à vos débuts. Comment sens-tu la scène Rock actuel ?
(rires) Ce qui est gênant c'est que tu as plein de télévisions mais que tu retrouves les mêmes groupes de Pop ou de R&B, signés sur des multinationales, qui passent partout.

A l'époque beaucoup de nos clips passaient sur M6. Il y avait moins de diffuseurs mais c'était plus éclaté, ce qui est terrible c'est que c'est presque une régression.

Nous avons toujours été en phase avec notre époque sur un point de vue social. Nous sommes un groupe engagé qui s'est produit pour l'association Scalp et pour " Reflexes " un journal anti-fasciste. Cette année nous avons encore joué pour la SRA, pour la CNT etc…

Nous restons un groupe fortement politisé mais je ne fais pas de chansons qui parleraient de politique car je ne pourrais pas en faire de bonnes. Je ne suis pas un auteur, je suis un clown qui parle d'attaques de pizzas ainsi que de gonzesses.

Notre état d'esprit est avant tout de faire du Rock'n'Roll mais nous restons ultra-concernés et nous votons.

Je pense que, quelque part, le Rock c'est de la politique. Quand on a le look qu'on a et qu'on fait cette musique on est forcément un anti-social.

Quels sont les projets immédiats du groupe ?
" El Diablo is Back " (label Pias) est sorti en mars, juste avant était paru un 5 titres " Lady Satana/Super Heroes " où il y a Batman, Spiderman (en version française et en version anglaise, Nda), Lady Satana et Catwoman.

Nous continuons à tourner et nous avons monté un cabaret où je fais 20 minutes de mon répertoire crooner, puis notre tromboniste fait 20 minutes de Calypso, puis le guitariste 20 minutes de Rockabilly et les Washington Dead Cats 1heure 30. Il y a aussi des filles qui font des numéros entre chaque groupe puis il y a un final.
Cela a été filmé et va donner naissance à un DVD où il y aura aussi un concert filmé intégralement dans de bonnes conditions. Le film sur le cabaret fera plutôt penser à une ambiance " backstage " filmée par John Cassavetes…

Je trouve cela marrant de mettre 3 concerts réalisés dans des ambiances différentes, 1 concert dans le cabaret, 1 concert dans une salle normale et 1 concert dans un Bar " Punk à chiens " tout pourri, comme on aime en faire !
Même si nous avons la chance de nous produire dans de belles salles, nous n'oublions pas que nous avons commencé dans les caves…

Ce sera pour dans 1 an, 1 an et demi.
Actuellement nous travaillons sur un nouvel album qui sortira, en principe, en mars.

Ce sera un concept-album de reprises de chansons politisées écrites par d'autres artistes (Billie Holiday, Woodie Guthrie, The clash, Rage Against The Machine, Bruce Springsteen etc…). Nous voulons visiter toutes les périodes et tout regrouper.
Tout le monde nous dit que c'est une bonne idée de le sortir avant les élections alors que nous l'avons en tête depuis 3 ans, cela n'a rien à voir. Tout à coup il y a des mecs qui débarquent et qui se prennent pour les rois du marketing (rires) !

Nous avons aussi une expo d'affiches qui tourne actuellement… Notre guitariste Fred à son trio Rockabilly Roots qui se nomme Lord Fester Combo. Moi je viens de finir un album avec un trio dans lequel je ne fais que des standards de Jazz façon crooner. Ceci me permet de me la jouer en costard en racontant des blagues entre les morceaux, j'adore ça !

De plus il faut savoir accepter son âge, je n'ai plus 17 ans et je ne vais pas faire du Pop Rock comme tous ces mecs dont on a l'impression qu'ils passent toutes leurs journées devant la télévision à regarder MTV en boucle.

As-tu une conclusion à ajouter ?
Je suis content de faire ça, je n'ai pas choisi le métier le plus simple au monde. J'aurais pu faire prostituée mais je n'avais pas le physique, donc j'ai fait chanteur (rires) !

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Interview réalisée à
La Laiterie Strasbourg -
le 14 Septembre 2006

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

Interview des Washington Dead Cats

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